cela me perturbe, sans que ça m’affecte
j’ai attendu des années et je viens de voir Godot ne pas arriver dans une salle de théâtre
la tension s’offusque quand je vois que je ne suis pas la seule à perdre l’émerveillement face aux lunes qui cèdent le pas aux jours et, enfin, à comprendre que le sens, c’est qu’il y en a pas. Pas de sens dans le vain espoir de voir surgir quelque chose d’autre à l’horizon: sa ligne peut varier sous mes yeux et m’amener à d’autres jours où même l’espérance est en trop. Car c’est dans une attente, si ce n’est pas une, que les choses se passent: la rencontre avec un improbable Pozzo et son penseur qui articule jeux de mots à répétition.
Je suis moins seule dans le désert devant l’arbrisseau et ses deux feuilles.
Et je n’ai pas de comptes à rendre ou de jeux à jouer. Les choix des autres se font au-delà de moi et je n’ai pas à me sentir responsable ni coinvolta.
Je me demandais la valeur de ma présence et, bien, ce n’était aucune que je ne puisse pas donner en étant pas là. moi, si j’y suis, je vais y être: ça compte pour ce que je vis et le peu qu’on partage. Ce n’est pas grave si on a décidé que ce ne sera pas des mois entiers, je vais peut être servir de porte de sortie sur le monde, une issue que ne se résout pas à un petit coin de montagnes perdues. J’ai peur des rôles, tellement que je m’y forge dedans, mais ce n’est pas pour rien que j’en veux pas…
J’apprécie que ça se soit passé sans moi, je regarde de loin de petites mains se serrer en poing.
Je n’attends plus les dix heures du soir en préparant un bon plat fumant, je fume de l’autre côté du mur en voyant se dissiper mes peurs d’apercevoir ma tranquillité enfin balayée, si je le veux, dans un coin.